Dans les champs de Vontovorona. à 20 kilomètres d’Antananarivo, on peut apercevoir depuis quatre ans une silhouette qui travaille avec concentration et sérénité. Tôt le matin, on la devine, à puiser l’eau dans les puits, à arroser les haricots verts, les choux, les petits pois et le maïs ou à labourer la terre pour planter les tomates, quand la saison arrivera.

Mamisoa a 29 ans, elle habite avec ses jumeaux de 4 ans, Sitrakiniavo et Notahianivo, un garçon et une fille qu’elle élève seule dans une petite maison qu’elle loue, juste en face, de l’autre côté des champs qu’elle cultive. Elle a suivi une formation de deux ans via la coopérative de Yamuna, une ONG catalane installée dans le village depuis 2004 qui œuvre entre autres pour la réinsertion des femmes célibataires via les métiers de l’artisanat ou de l’agriculture.

Mamisoa sait lire, écrire, compter, parle un peu anglais et français, mais a du arrêter d’aller à l’école après le décès de sa mère. Elle avait 12 ans et elle a commencé à travailler comme femme de ménage à Antananarivo où elle est restée jusqu’à ses 25 ans. Ses parents étaient agriculteurs tous les deux et c’est enfant, à partir de 8 ans, en les suivant dans les champs qu’elle a commencé à apprendre le travail de la terre.

À peu près comme le soleil, elle se lève à 5h30, se lave le visage à l’eau du puits en face de sa maison, allume le feu au charbon de bois pour réchauffer le petit déjeuner des enfants et les prépare pour partir de la maison à 6h30. Elle les laisse à l’école qui est à presque une demi-heure de marche puis arrive dans les champs à 7h30, lorsqu’il ne fait pas encore trop chaud. Elle retrouve les trois autres agricultrices avec qui elle partage la coopérative de Yamuna. Elle déjeune avec l’une d’elle, son amie Nivo. Elle reprend la pelle, le râteau et la bêche jusqu’à 16h, heure à laquelle s’achève sa journée de travail, lorsque la lumière commence déjà à décliner.

Mais en ce moment ce sont les grandes vacances, alors les jumeaux viennent avec elle dans les champs. Ils choisissent une parcelle en friche comme terrain de jeux, une branche morte comme micro pour chanter à tue-tête, une roue de vélo crevée ou un bout de ruban abandonné comme jouet de fortune. La petite fille monte voir au-dessus des champs les femmes de la coopérative qui sont formées à l’artisanat local. Le petit garçon quant à lui reste toujours près de sa mère, l’aidant parfois à labourer un petit lopin de terre. À 16h tous les trois prennent le chemin de la maison, évitant de croiser de trop près un zébu dans les champs qu’il faut traverser. Mamisoa lave la maison, le linge, toujours avec l’eau du puits et prépare le diner. Dans l’unique petite pièce de la maison, tout le monde s’endort à 20h alors qu’il fait déjà nuit noire depuis deux heures et qu’il n’y a pas d’électricité dans tout le hameau ni dans ceux voisins.

Ce que Mamisoa aime le moins c’est puiser l’eau du puits, car c’est très physique et elle doit remplir les seaux plusieurs dizaines de fois par jour. En revanche, ce qu’elle préfère c’est arroser les plantations et défricher les mauvaises herbes. Elle avoue cependant qu’il lui faudrait plus d’eau, car il en manque beaucoup pendant la saison sèche, plus d’engrais et un nouvel arrosoir qui ne soit pas percé pour travailler dans de meilleures conditions.

Elle ne trouve pas son métier difficile et elle sait qu’il est très important, car si seuls les hommes travaillaient dans les champs cela ne suffirait pas à nourrir la population de son pays. Les conséquences des changements climatiques et la dégradation de l’environnement sont ses craintes pour les années à venir. Mais sa peur principale c’est que dans quelques semaines, la coopérative Yamuna ne lui versera plus de salaire et elle devra vivre uniquement avec la vente des légumes qu’elle produit, lui faisant perdre une stabilité financière qui la rassurait.

Lorsqu’elle ne travaille pas, elle aime chanter dans une chorale où elle répète tous les samedis et où elle chante tous les dimanches à l’église près de chez elle. Si elle avait pu poursuivre ses études, elle aurait aimé être institutrice. Elle aimerait que Notahianivo, sa fille le devienne à sa place. Son plus grand regret c’est que l’homme qu’elle a aimé, le père de ses enfants l’a quittée lorsqu’il a appris sa grossesse. Elle ne veut plus d’un homme dans sa vie pour ne pas souffrir ainsi à nouveau.

Mamisoa est très fière de son métier, elle voit l’eau tout simplement comme le symbole de la vie et la terre comme sa survie, car sans elle, elle ne pourrait rien faire. Elle est heureuse de la vie qu’elle mène et pour elle, cela veut dire dépendre le moins possible des autres et parvenir à s’en sortir toute seule. Son rêve : posséder sa maison et ses propres terres et élever ainsi sereinement Sitrakiniavo et Notahianivo.

Il y a un message qu’elle aimerait bien transmettre : on peut être heureux dans la vie malgré les difficultés qu’on rencontre, mais il faut du tempérament et du courage en toute circonstance.

Quant à un proverbe malgache qu’elle se répète souvent : « Lorsqu’on est paresseux, il suffit de se lever et d’avoir un peu de courage, car lorsqu’on l’a initié on ne peut plus l’arrêter ».