PRESENTATION
Vivian a 42 ans, elle est mariée et a deux fils, de 18 et 16 ans. Elle habite au milieu des cocotiers, dans un barrangay (village) très isolé où vivent environ 250 personnes. Il n’y a même pas l’électricité et la ville la plus proche est à une heure de route. Elle cultive des noix de coco, du maïs, des légumes et élève des poulets, des chèvres et des cochons. Elle habite ici depuis quatre ans. Auparavant ils habitaient à Iriga et avaient une épicerie. Elle habite là avec son mari toute la semaine mais ses fils ne rentrent que le week-end car ils étudient en ville.
SON PARCOURS
Vivian est diplômée de l’université d’agriculture et a suivi une formation en agronomie comme technicienne agricole. Elle gère toute la ferme et la propriété mais elle essaye surtout de mettre à profit sa formation pour tester des techniques novatrices et tenter des expérimentations sur son grand terrain.
Vivian a tout d’abord appris à travailler la terre avec ses parents, puis lors de ses études et enfin avec ses voisins. Elle a commencé à travailler à 18 ans en tant que technicienne dans une entreprise d’herbicides. Elle a aussi été secrétaire et assistante manager. Cela fait seulement quatre ans qu’elle est agricultrice, depuis qu’elle habite près des champs. Vivian a fait ce choix parce que c’est plus facile pour elle de gagner sa vie, la terre est profitable et elle peut ainsi mettre en pratique ses apprentissages universitaires.
COMMENT TRAVAILLE-T-ELLE ?
Tôt le matin, à 4h30 ou 5h, Vivian commence par nourrir les animaux, puis elle s’occupe des plantations. Elle prend une pause après le déjeuner et retourne aux champs l’après-midi. Elle amène les buffles paître sous les cocotiers ou déplace les chèvres plus haut sur les flancs de la colline. Malgré son petit gabarit, elle peut monter un buffle en un saut, sans selle, avec juste sa machette accrochée à la ceinture.
Elle doit aussi parfois se rendre à des réunions de village pour mettre en place de nouvelles techniques agricoles. Elle cuisine le dîner et se couche entre 20h et 21h.
Elle est propriétaire de 5 hectares de terre, le reste, soit 15 hectares appartient à sa belle-famille. Elle travaille seule avec son mari. Mais parfois, les tâches agricoles sont trop conséquentes et elle emploie du personnel supplémentaire pour une période précise. Ses seuls outils sont la pelle, le râteau, la pioche et la machette.
Elle trouve que planter et récolter les fruits et légumes est un travail facile. En revanche, le plus difficile est de les acheminer jusqu’au marché. La route est longue et il ne faut pas que les produits s’abîment pendant le transport. Elle effectue le trajet de nuit avec son mari pour être très tôt au marché.
Vivian cultive une grande variété de fruits et légumes: des noix de coco, du maïs, des tomates, du riz, des piments, des aubergines, des patates douces, des citrouilles, des radis, de la moutarde, du gingembre, des haricots serpents, de la citronnelle, des papayes, des mangues, des fraises, des pommes étoiles etc. Elle les cultive pour la consommation de la famille et en vend la plus grande partie aux marchés d’Iriga et de Baa.
Ce que Vivian préfère c’est planter de nouveaux produits et s’occuper des animaux car ils représentent son revenu quotidien.
Ce qu’elle aime le moins ou plutôt ce qu’elle trouve très difficile c’est semer le maïs.
Son moment préféré de la journée, c’est tôt le matin lorsqu’il commence à faire jour et qu’elle peut profiter de la vue magnifique sur les cocotiers et le volcan que l’on voit lorsque le ciel est dégagé.
NE JAMAIS BAISSER LES BRAS
Lorsqu’elle a commencé il y a quatre ans, elle a rencontré quelques difficultés. Mais avec le temps, la pratique et l’expérience, elle a surmonté les obstacles et a pris ses habitudes.
Selon Vivian, être une femme ne change rien car elle sait gérer la ferme et elle partage toutes les responsabilités avec son mari. La main d’œuvre féminine est très importante dans les champs mais cela change tout d’être impliquée dans la gestion et la propriété des terres. Vivian a reçu de l’aide du ministère de l’agriculture et d’une coopérative agricole qui lui octroie des prêts.
A présent, elle parvient à gagner 20 000 pesos (environ 400€) par mois en tant qu’agricultrice.
Ce qui pourrait vraiment l’aider ce serait d’avoir l’électricité à la ferme, une route viable qui relie le village aux marchés ainsi que d’autres formations et plus de machines.
Vivian évoque un évènement qui l’a marqué : le typhon Glanda qui a détruit toutes ses récoltes en juillet 2014. Mais parfois, c’est l’inverse, le climat est si clément qu’elle peut récolter beaucoup plus que ce qu’elle espérait et augmenter ainsi ses revenus.
VIVIAN ET LA CUISINE
Elle aime aussi beaucoup cuisiner pour sa famille et vend parfois ce qu’elle prépare au marché. Vivian prépare beaucoup de légumes, des gâteaux de riz ou encore des cacahuètes caramélisées. C’est très souvent elle qui est derrière les fourneaux mais lorsqu’elle n’a pas envie, elle avoue charmer son mari ou soudoyer ses fils pour qu’ils prennent le relais.
Ce sont ses parents qui lui ont appris à cuisiner, puis sa belle-mère. Dorénavant, elle aime découvrir de nouvelles recettes à travers des livres de cuisine ou demande comment préparer un plat qu’elle a aimé chez des amis ou au restaurant.
De génération en génération, on transmet surtout la recette des feuilles de tarot cuites avec du lait de coco ou les cacahuètes caramélisées.
Elle a un peu appris à cuisiner à ses fils. Elle n’est pas inquiète car lorsqu’ils ont faim, ils savent tout à fait se débrouiller seuls.
PLEIN DE REVES ET DE PROJETS
Vivian rêve que sa ferme soit encore plus grande et plus profitable et aimerait également en faire un endroit de découverte pour les touristes.
Dans l’avenir, elle voudrait aussi planter du cacao car cela va être encouragé par le gouvernement philippin. Elle aimerait aussi développer l’agriculture biologique de manière plus poussée même si ses produits le sont déjà.
Vivian regrette qu’il lui manque les moyens financiers pour développer la ferme. Elle s’intéresse beaucoup au paysagisme et aimerait pouvoir aménager mieux le terrain.
Vivian est déjà allée à Manille, à Legaspi, et à Naga, mais pas vraiment en-dehors de la région de Bicol. Elle aimerait beaucoup visiter Baguio city, célèbre pour la culture de ses légumes. Elle pourrait ainsi apprendre de nouvelles techniques agricoles.
Ce qu’elle voudrait également, c’est partager son savoir-faire avec les voisins et surtout leur montrer que si elle peut travailler la terre, ils peuvent le faire aussi. Ils ont tendance à se décourager devant la charge de travail que cela peut représenter.
CONFIDENCES
En dehors du travail de la terre, Vivian voudrait avoir à nouveau un petit commerce à Iriga ou Baa afin d’avoir un revenu supplémentaire et vivre plus confortablement. De plus, elle aime beaucoup avoir un rôle de « businesswoman » comme elle le dit elle-même.
Vivian est fière et heureuse de son travail car elle est son propre patron et peut décider de tout ce qui lui semble bon pour ses plantations.
Selon elle l’agriculture est ancrée dans les activités de l’être humain depuis toujours et elle souhaite garder ce travail comme activité principale, même si elle en exerce un second. Le pays reconnaît l’importance de l’agriculture car elle est essentielle. S’il n’y avait pas les produits de la terre, le président lui-même ne pourrait pas manger explique Vivian.
De plus, la terre est très importante à ses yeux car c’est un héritage de sa belle-famille qui lui est très précieux.
Vivian aimerait que les gens prennent conscience que l’agriculture est très importante pour que l’humanité survive. Elle voudrait aussi les encourager à planter, récolter leurs propres fruits et légumes pour nourrir leur famille et obtenir un revenu.
Un proverbe philippin qu’elle aime bien : « Si tu as planté, tu récolteras. »