PRESENTATION

Alita ne sait plus trop quel est son âge. Il faut le demander à sa fille qui lui rappelle qu’elle a 87 ans. Elle a été mariée de longues années. Son mari, qui était soldat, est mort il y a un peu plus d’an. Alita a eu neuf enfants. Quant aux petits-enfants et arrière petits-enfants, elle ne peut pas tous les compter mais elle sait qu’elle en a une quarantaine environ.

A présent, elle habite avec l’un de ses fils, Amy, sa fille qui prend soin d’elle, ainsi qu’une partie de ses petits-enfants et arrière petits-enfants.

SON HISTOIRE

Alita n’a jamais habité la ville et a vécu dans de petits villages. Lorsqu’elle était enfant, elle a eu une maladie de peau qui l’a empêchée d’aller à l’école. Ses parents sont morts lorsqu’elle était jeune. Elle a dû rester à la maison et cuisiner pour ses sœurs aînées qui travaillaient. En conséquence, Alita n’a pas pu apprendre à lire et à écrire, ni même à parler anglais (une des langues officielles des Fidji).

Elle habite à Natalecake, un petit village de l’île principale de Veti Levu. Elle s’y est installée, lorsqu’elle avait vingt ans, avec son mari. Il partait régulièrement en mission pour l’armée fidjienne. Pendant ce temps, elle s’occupait des champs, a eu leur premier enfant, puis les suivants. Quand son mari était absent pendant de longues périodes, elle était seule à nourrir ses neuf enfants et devait travailler dur. C’est elle seule qui a défriché et planté tous les champs de manioc autour de la maison.

Les terres, qu’elle a cultivées toute sa vie, étaient celles de son mari. A présent qu’il est décédé, ses enfants en ont héritées.

Ses parents lui ont appris à gérer son foyer lorsqu’elle était encore très jeune. Sa mère lui a plutôt enseigné les travaux de la maison, son père, les travaux des champs.

Enfant, elle voyait sa grand-mère effectuait tout le travail agricole.

Ces deux anciennes générations se sont surtout destinées à l’agriculture de subsistance. Selon Alita, leur travail était différent: elles sortaient beaucoup plus, allaient pêcher et cultivaient plus de produits que maintenant. Elles avaient une activité agricole plus diversifiée.

UNE JOURNEE DE TRAVAIL

Alita allait d’abord pêcher le crabe, très tôt le matin, s’occupait ensuite de récolter le manioc, cuisinait pour toute la famille, faisait la vaisselle, lavait à la main les vêtements des enfants au retour de l’école et allait ensuite chercher du bois pour produire assez de feu pour préparer le dîner et le déjeuner du lendemain.

Alita a essentiellement planté du manioc qui est l’ingrédient de base aux Fidji. Elle avait aussi un peu de canne à sucre, quelques ignames et des légumes. Elle ne cultivait pas assez de produits pour les vendre et travaillait uniquement pour nourrir sa famille.

Ses outils étaient peu nombreux : un râteau, une pelle et une machette.

Elle savait également tresser des paniers et des nattes, ce qui lui permettait à la famille de vivre en quasi-autarcie.

UNE CUISINE FRAICHE ET LOCALE

Alita aimait cuisiner de bonnes choses pour ses enfants ; des légumes et du poisson frais, du crabe ou des crevettes. Mais surtout: jamais de boîtes de conserve, pas de poisson en boîte ou de saucisses ! Elle a cuisiné du manioc tous les jours depuis qu’elle a commencé à en cultiver. Elle le faisait bouillir, comme sa mère le lui avait appris, et a ensuite transmis son savoir à ses enfants. Elle est très fière de ce qu’elle a accompli.

LES ANNEES 50 AUX FIDJI

Auparavant, le ministère de la santé venait inspecter le travail dans les champs et s’assurer que tout le monde cultivait la terre de manière convenable. C’était une sorte de police provinciale qui vérifiait également la propreté de la maison. Elle pouvait avoir une amende si les conditions sanitaires n’étaient pas assez bonnes ou si elle ne subvenait pas aux besoins de sa famille. Maintenant cela ne fonctionne plus ainsi.

Le gouvernement lui rétribuait une somme d’argent car son mari louait une partie de ses terres à la communauté indienne (très importante aux Fidji).

Lorsqu’elle pouvait revendre quelques crabes, elle parvenait à gagner environ 20£ par semaine (la monnaie anglaise était alors d’usage). Elle bénéficiait également de quelques aides de l’armée, grâce à son mari militaire.

 

LE QUOTIDIEN D’UNE VIEILLE DAME

Elle pense que le travail dans les champs est bon pour elle, elle ne veut pas arrêter de sortir et de cultiver le manioc, malgré son grand âge. Elle souhaite plus que tout rester active et pouvoir continuer à pourvoir aux besoins de la famille. Cependant, à présent, c’est sa fille qui lui prépare à manger et elle lui en est très reconnaissante.

Elle aime toutes les différentes tâches qu’exige son travail, à chaque moment de la journée. Ce qu’elle aime le moins, c’est le dimanche, lorsqu’il faut rester à la maison et se reposer. Alita n’aime pas rester sans travailler. Pourtant le dimanche, après la messe, tout la famille se retrouve sous le porche de la grande maison, en face de la sienne et profite d’un grand repas où chacun a mis la main à la patte. Alita se met encore aux fourneaux lorsqu’on lui demande l’une de ses bonnes recettes. Elle préside cette longue tablée, où tous sont assis à même le sol autour d’une nappe en tissu et de belles assiettes.

Alita est encore très coquette, et lorsqu’elle a pris sa douche et mis une robe propre, elle ne retourne pas dans les champs, de peur de se salir.

Et certains soirs, comme le veut le rituel fidjien, les femmes de la famille se réunissent entre elles pour boire le kava (racine écrasée et mixée en poudre puis mélangée à de l’eau froide). Alita respecte la tradition, elle frappe dans ses mains avant de prendre l’unique bol que l’on passe de main en main, boit d’une traite, rend le bol à sa petite-fille et frappe trois fois dans ses mains.

SES ASPIRATIONS

Elle aimerait que ses petits-enfants deviennent policiers, hommes et femmes d’affaires par exemple. Elle serait contente également si l’un d’eux reprenait les terres familiales et devenait agriculteur ou agricultrice. Lorsqu’elle les voit travailler la terre, elle se promène paisiblement mais observe, donne des conseils et prodigue encore les enseignements qu’elle détient des générations précédentes. Pieds nus, elle montre encore l’exemple et remue la terre pour la préparer à de nouveaux plants de manioc.

Selon Alita, il n’y a pas de différence entre un homme agriculteur et une femme agricultrice. Le même travail est le même.

Elle regrette, vu son grand âge, de ne plus pouvoir faire ce qu’elle veut et de ne plus être vraiment autonome.

Alita n’a pu visiter d’autres pays que les Fidji, ni même d’autres régions de son pays, mais comme beaucoup de femmes de sa génération, ça lui est égal, elle a construit toute sa vie dans le même village et ses alentours. Sa belle-mère vivait dans un village proche alors elle n’est jamais allée bien loin.

UNE VIE SEREINEMENT MENEE

Il lui arrive de s’inquiéter pour le futur des siens et espère qu’ils auront une belle vie une fois qu’elle ne sera plus là. En revanche elle n’a pas de regrets et a mené une existence dont elle est très heureuse.

Elle pense qu’elle est toujours forte et c’est grâce à son mari qui l’a choyée et à présent grâce à ses enfants et petits-enfants qui veillent sur elle. Avec toute la sagesse acquise, elle les observe grandir et avancer dans la vie.

Elle est fière de leur laisser en héritage une bonne éducation, des valeurs et son savoir-faire dans les champs.

Elle est plus lente maintenant, s’aide d’une canne pour marcher, fait de longues siestes, prend son temps pour chaque tâche mais reste présente dans la vie de la famille et regarde avec sérénité les siens. Elle aimerait bien continuer encore dix ans ainsi. Elle est heureuse des plans que Dieu avait pour elle et elle a appris beaucoup de leçons en suivant les enseignements catholiques. Elle éprouve une grande paix qu’elle laisse transparaître dans ses yeux noirs encore très vifs.

Il est facile de la croire lorsqu’on l’aperçoit, tôt le matin, assise à même le sol de sa petite maison, buvant tout doucement le thé que lui a amené sa fille. Elle regarde en face d’elle, fait un signe de tête à deux de ses arrières petits-fils qui chahutent dehors. Puis, elle semble à nouveau happée par ses pensées, un air tour à tour nostalgique, malicieux ou encore soulagé. Mais ce qu’on observe avec certitude, c’est une grande dame qui a voyagé à travers neuf décennies et a construit dans un périmètre qui était le sien son propre bonheur et a fait grandir de front les plants de manioc et toute sa petite tribu.


PRESENTATION

Katarina a 44 ans, elle est mariée depuis dix ans et a un fils de six ans. Elle a habité Suva, la capitale des Fidji, sur l’île de Viti Levu, pendant longtemps mais elle a décidé de déménager à Sabeto, sur la même île, où elle habite depuis un an, près de sa ferme.

Son mari travaille toujours à Suva. Il fait la navette et rentre tous les quinze jours. Katarina est seule dans les champs avec son fils Samu de 7 ans, qui lui tient compagnie lorsqu’il sort de l’école.

SON HISTOIRE

Katarina est allée à l’école à Suva et y a appris à lire, écrire et compter.

Elle a commencé à travailler à 20 ans, comme agent d’entretien, dans un hôtel. Elle est agricultrice depuis un an et cultive le manioc et les papayes. Elle vend sa production sur les marchés locaux.

Ses grands-mères et sa mère vivaient dans leur village natal mais ne travaillaient pas.

C’est son mari qui lui a appris le métier d’agricultrice. Pour l’instant, elle loue les terres qu’elle cultive mais elle aimerait bien devenir propriétaire. Comme elle débute, il est plus facile, pour elle, de payer la location de la terre. Elle doit verser 170$ fidjiens (environ 70 euros) tous les six mois. Katarina a deux employés qui l’aident dans les champs.

SA JOURNEE DE TRAVAIL

Katarina se lève à 4h du matin. Puis elle prie, cuisine le petit-déjeuner pour son fils et se prépare pour aller dans ses champs où elle arrache les mauvaises herbes, plante de nouveaux produits et récolte ceux qui sont mûrs. Après le déjeuner, elle rentre chez elle, récupère son fils à l’école et prépare le dîner. Elle habite pour l’instant chez sa nièce avec qui elle partage la maison. Elle passe donc un peu de temps avec elle et sa famille, se couche tôt, vers 20h.

LA SATISFACTION DU TRAVAIL ACCOMPLI

Ce qu’elle apprécie dans son travail: elle a acquis plus de force physique et surtout elle peut subvenir aux besoins de sa famille.

Ce qu’elle trouve le plus décourageant: après avoir vendu ses produits, elle doit payer ses travailleurs et au final il ne lui reste que peu d’argent.

Quant à son moment préféré de la journée : c’est tôt le matin pour travailler dur lorsqu’il fait encore frais et que le soleil ne frappe pas trop fort.

Elle trouve que le travail de la terre est malgré tout très difficile.

Il y a un an, les herbes et buissons étaient partout. Aujourd’hui, lorsqu’elle regarde la parcelle de terre qu’elle cultive, elle y voit le fruit de son travail: les plants de manioc et les papayers. Elle a accompli un énorme travail, sans la moindre aide financière. Elle a dû économiser et repartir de zéro.

Maintenant, elle arrive à gagner 170$ fidjiens par semaine en moyenne (environ 70 euros) mais doit payer ses employés. Au final, elle garde seulement 50$ pour elle (environ 20 euros).

SON ENGAGEMENT EN TANT QU’AGRICULTRICE

Elle pourrait améliorer ses conditions de travail en recevant de l’aide du ministère de l’agriculture, notamment des graines.

Elle a besoin de plus d’équipements et notamment d’un tracteur mais elle n’a pas les économies pour en acheter un. Elle ne dispose que de trois outils : un râteau, une machette et une pelle.

Katarina ne voit pas de différence entre un homme agriculteur et une femme agricultrice. Pour elle, le travail est le même. Pour qu’une femme agricultrice réussisse, il lui faut être engagée, patiente et passionnée.

En revanche, elle est persuadée que les femmes ont énormément d’idées, la capacité à développer de nouvelles techniques et à diriger des employés. Mais il lui faudrait plus d’argent pour avoir plus de marge de manœuvre. Pour l’instant, elle ne peut développer davantage son activité.

Toute son énergie est à présent dédiée au travail dans les champs et à l’abondance de ses récoltes. Elle y a investi beaucoup de temps, d’énergie et d’argent et souhaite vraiment en tirer un profit croissant.

LA CUISINE DE KATARINA

Elle cuisine beaucoup le manioc qu’elle cultive. Comme encas, par exemple, un gratin de manioc avec du sucre et du lait de coco, accompagné d’un thé. C’est toujours elle qui cuisine à la maison et a tout appris de sa mère.

Elle achète les produits qu’elle ne cultive pas au marché local et aime bien accompagner le manioc de poisson frais.

SES ASPIRATIONS

Elle aimerait vraiment pouvoir subvenir aux études de son fils et avoir une maison à elle près de la ferme. Elle souhaiterait également que son mari puisse prendre sa retraite de manière confortable et qu’ils ne soient pas dans le besoin.

Katarina est très fière d’être une femme agricultrice. Son travail la comble mais elle pense parfois à une seconde activité pour assurer un peu plus de revenus et vivre plus confortablement.

Elle souhaiterait que son fils devienne agriculteur. Elle a déjà commencé à lui faire partager son savoir et espère lui donner l’envie de suivre ses pas.

Ses rêves : qu’un jour ses champs soient assez prospères pour avoir suffisamment de revenus, vivre dans une jolie maison attenante à ses terres et avoir des employés qu’elle dirigerait.

Elle n’a pas de regrets mais une peur : être malade et dépendante car elle souhaite pouvoir mener cette vie encore bien longtemps.

EN HARMONIE AVEC CE QU’ELLE A ENTREPRIS

Katarina accorde une grande importance à la terre qui lui permet de vivre et qui devrait aussi lui permettre de construire la petite maison de ses rêves.

Elle est heureuse de la vie qu’elle mène et se sent en paix avec elle-même.

Le message qu’elle aimerait transmettre : les femmes peuvent être agricultrices. Il suffit de s’engager, d’être courageuse et de vouloir subvenir aux besoins de sa famille.

Katarina a visité quelques îles des Fidji mais elle aimerait visiter d’autres pays. Pour l’instant elle continue l’aventure qu’elle a entreprise, il y a un an, en lançant seule sa propre exploitation.








Superficie : 18 270 km2
fijimap1NB d’habitants : 903 000 habitants
PIB par habitant : 4375$ (2013)
Nature de l’état : république parlementaire
Capitale : Suva
Langues : l’anglais, le fidjien, l’hindi des Fidji
Espérance de vie : 70 ans
Monnaie : le dollar fidjien
L’agriculture aux Fidji
Les principaux produits cultivés sont la canne à sucre, le manioc, la noix de coco, le riz, la patate douce, la banane. L’agriculture intensive a depuis longtemps pris le pas sur l’agriculture de subsistance. Le gouvernement, face à des moyens assez limités a mis en place des mesures afin d’améliorer l’accès aux agriculteurs au crédit et aux organismes de micro finance. Ces efforts ont porté ces fruits car la part de l’agriculture dans le PIB parvient à se maintenir à 12%.
L’alimentation aux Fidji
La cuisine fidjienne est un mélange de plats fidjiens et indiens. Pour les plats fidjiens il y a le Kakoda, à base de poisson nettoyé avec du jus de citron et trempé dans du lait de coco ; le Lovo, plat traditionnel (du dimanche) composé de légumes, de taro, et de viande ou poisson, le tout dans la terre pour former un brasier avec des pierres chaudes et recouvert de feuilles de bananier. Le lovo va cuire pendant de longues heures.
Quant aux plats indiens, ce sont surtout différentes sortes de currys.
Les fruits tropicaux très variés sont souvent consommés comme dessert.
Une des boissons nationales est le kava, une plante d’Océanie dont la racine est écrasée puis mixée afin d’en obtenir une poudre qu’on mélange ensuite avec de l’eau froide. Sa consommation, ancienne de plusieurs siècles, fait l’objet d’un rituel à respecter. Partager le Kava est gage d’amitié, un proverbe dit même : « On ne peut tuer tout de suite quelqu’un avec qui on vient de boire le kava ». Des paquets de poudre de kava sont présentés pour certaines cérémonies (bienvenue, funérailles ou encore réconciliation).