ALICE AU PAYS DES CHOUCHOUX

Alice a tout juste 40 ans, elle n’est pas mariée mais elle est en concubinage avec Anicet, « son chou » depuis 28 ans. Ils ont ensemble deux filles de 25 ans et 20 ans et trois petits-enfants, un garçon et deux filles.

Alice est en plein cœur du cirque de Salazie, à Grand-Ilet où il a un peu moins de 2000 habitants. Elle ne s’en vante pas trop mais pourtant, depuis sa cuisine en plein air, elle peut admirer le Piton des Neiges, le plus haut et le plus célèbre sommet de l’île.

Alice est un personnage 100% réunionnais, 100% créole.

Tout le monde connaît Alice et Anicet, elle pour ses bungalows où elle accueille les randonneurs de passage et lui pour l’épicerie qu’il tient ouverte 7j/7.

Alice a été baby-sitter avant d’avoir sa première fille à 16 ans, âge auquel elle a arrêté l’école. Elle s’en occupait à plein temps même si elle était très jeune. C’est à partir de sa grossesse qu’elle avoue avoir créé une vraie relation mère-fille avec sa mère qui lui a alors démontré de la tendresse pour la première fois. Sa mère qui a eu sept enfants est restée à la maison pour s’en occuper. Sa grand-mère qui l’a en partie élevée, l’a fait travailler dur, elle qui était la seule fille parmi six garçons. Alice descendait lui chercher l’eau de la source pour la regarder cuisiner ensuite les produits qu’elle cultivait. Elle se rappelle encore le goût des fraises des bois qu’elle lui amenait dans des feuilles de chouchoux après l’école. Alice habitait chez sa grand-mère, dormait même avec elle et c’est elle qui lui a appris à travailler, les produits de la terre entre autres mais aussi savoir comment tenir une maison.

Alice a travaillé de nouveau après avoir laissé sa deuxième fille à l’école. Elle a passé son permis, effectué une remise à niveau, une formation agricole et une formation en vente et gestion afin de pouvoir gérer un jour sa propre entreprise.

Lorsqu’ils ont acheté leur terrain avec son mari, Alice travaillait la terre en faisant pousser des pommes de terre, des choux, des carottes, des salades, du maïs, des radis ou encore des betteraves et ce pendant trois ans. Elle aimait produire ses propres légumes et a beaucoup appris mais elle ne se voyait pas continuer cette activité trop longtemps…

Selon Alice, une femme peut tout faire ; manier la pioche et la bétonnière, maitriser la plomberie et la pose de carreaux pour ne citer que quelques-unes des casquettes de cette wonderwoman.

 Aujourd’hui, Alice est fière de dire qu’elle a réussi car elle gère un petit gîte avec des bungalows et une table d’hôtes depuis 2007. Elle peut avoir jusqu’à 40 personnes à dîner. Et d’ailleurs le moment qu’elle préfère c’est l’après-midi lorsqu’elle et « son chou » cuisinent ensemble pour le soir et qu’ils partagent un moment privilégié où ils ont le temps de se parler, d’échanger un geste tendre.

 En plein milieu des carreaux de chouchoux, Alice est la reine de ce légume si spécifique de la Réunion. Ici le chouchou pousse partout, comme des mauvaises herbes. On consomme les brèdes (les longues tiges qui poussent avec les feuilles) et les fruits (le gros légume vert). Le chouchou n’a besoin de rien, si ce n’est d’être cueilli souvent pour mieux repousser. Elle et Anicet le cuisinent merveilleusement bien : en salade, en carry, en achards, en gratin, en gâteau… Aucun ustensile ne peut résister à cet étrange légume vert dont les épines ne sauraient décourager la cuisinière. Elle a plaisir à partager ses nombreuses recettes et cela méritait bien quelques apartés.

PORC AUX CHOUCHOUX

 Ingrédients :

 1kg de chouchoux

1kg de côtes de porc

Sel

Poivre

Curcuma

Thym

Huile

Gingembre

Ail

4 tomates

Riz

Eplucher les chouchoux et les couper en rondelles.

Couper les morceaux de viande. Mettre la marmite à chauffer mais ne pas mettre d’huile. Faire revenir la viande avec les os. Quand elle est bien frite, rajouter l’ail et le gingembre écrasés (au pilon) ainsi que le sel et le poivre. Laisser dorer. Rajouter le curcuma, les oignons, le thym puis les tomates afin qu’elles fondent avec la viande. Rajouter les chouchoux. Mettre un peu d’eau (2 verres) et bien remuer pour que les chouchoux cuisent (30 mn en tout). Déguster avec du riz.

BEIGNETS DE CHOUCHOUX 

Ingrédients :

 500g de chouchoux

2 œufs

Sel

Poivre

50g de farine

50g de fromage râpé

1 brique de crème fraîche

1 sachet de levure

Huile

Eplucher les chouchoux, les râper et enlever l’eau. Dans un saladier, casser les œufs, battre avec le sel, le poivre, la farine, la levure et la crème fraîche. Rajouter les chouchoux. Bien remuer. Rajouter le fromage râpé et remuer.

Mettre l’huile à chauffer dans une marmite et verser une c.à.s pour un beignet. Laisser tremper chacun d’eux 20 secondes et déguster chaud.

GATEAU AUX CHOUCHOUX

 Ingrédients :

 2 gros chouchoux (environ 1kg)

3 œufs

150g de farine

75g de beurre

1 sachet de levure

1 sachet de sucre vanillé

100g de sucre

Noix de muscade

1 yaourt

1 petite brique de crème fraîche.

Faire bouillir les chouchoux environ 1h puis les éplucher et bien les écraser.

Dans un saladier mélanger les œufs, le sucre, le sucre vanillé et la levure. Bien remuer.

Rajouter la farine au fur et à mesure, puis la noix de muscade, le yaourt et la crème fraîche. Tout mélanger et rajouter en dernier les chouchoux écrasés. Rajouter un peu de farine si la pâte est trop liquide.

Disposer le tout dans un moule beurré.

Mettre au four préchauffé à 200°. Une fois le gâteau à l’intérieur, baisser à 150°. Laisser cuire 1h et vérifier avant de le sortir qu’il s’est bien formé une croûte consistante dessus et dessous. Déguster tiède.

GRATIN DE CHOUCHOUX

 Ingrédients (pour 10 personnes) :

 1kg de chouchoux

Ail

Thym

Poivre

Sel

Gingembre

Curcuma

Huile

Fromage râpé

Pour la béchamel :

1/2l de lait

1 brique de crème fraîche

Muscade

1 œuf

100g de farine

100g de fromage râpé.

Mettre la marmite à chauffer. Lorsqu’elle est bien chaude, mettre de l’huile, écraser ail et gingembre et les verser dans la marmite et les laisser dorer. Rajouter le thym, le sel, le poivre et le curcuma. Laisser roussir. Rajouter les morceaux de chouchoux épluchés et coupés en dés. Faire revenir mais ne pas rajouter d’eau. Lorsqu’il n’y a plus d’eau, retirer le tout du feu et le mettre dans un moule.

 Pour la béchamel : verser dans un bol le lait, la crème fraîche et l’œuf ainsi que le sel, le poivre et la noix de muscade râpée. Bien remuer. Rajouter le fromage râpé et la farine. Tout mélanger avec les chouchoux dans le plat à gratin. Recouvrir de fromage râpé.

Préchauffer le four à 200°. Descendre à 180° en mettant le gratin au four. Laisser cuire 10 minutes seulement et déguster chaud.


INGREDIENTS

1kg de crevettes

500g de palmistes rouges

500g de palmistes pejibaye

5 têtes d’oignons

½ tête d’ail

5 tomates

Curcuma

Sel

Poivre

Huile

Riz

Lentilles

Nettoyer et égoutter les crevettes puis les mettre à frire dans l’huile. Faire revenir les oignons, rajouter l’ail. Laisser roussir et rajouter les tomates, le sel et les épices.

Mettre un verre d’eau puis ajouter les palmistes les plus durs découpés en morceaux. Rajouter les morceaux les plus tendres puis laissez cuire 20 à 30 minutes.

Servir avec du riz et des lentilles.


Catherine a bientôt 38 ans, elle est mariée depuis 2002 et elle a 4 enfants : un fils de 19 ans, une fille de 15 ans, une de 5 ans et une petite dernière de 4 ans. Elle habite sur les hauteurs de Saint-Philippe, dans le sud-est de la Réunion, là où l’île est la plus sauvage. Ses parents étaient originaires d’ici et elle ne s’en est jamais éloignée. Elle l’avoue, elle aime bien « son petit endroit ».

UN PARCOURS IMPREVU

Comme elle n’aimait pas trop l’école, elle s’est arrêtée en seconde et a commencé à travailler en tant que magasinière dans un supermarché. Elle s’est ensuite installée avec son mari, qu’elle a connu très jeune et qui avait repris l’exploitation de son père à elle. C’est justement avec son père qu’elle a commencé à aller dans les champs et à la Réunion, c’était dans les champs de cannes à sucre bien sûr. Elle s’est occupée longtemps de ses deux grands enfants, qu’elle a eu envie de voir grandir. Mais en 1999, elle a commencé à travailler véritablement avec son mari. Depuis 2002, elle est conjointe collaboratrice de l’exploitation et depuis 2012, elle est devenue chef d’exploitation. Elle loue sa propre parcelle, juste à coté de la maison qu’ils viennent de construire il y a un an. Il suffit de prendre le 4×4 et de parcourir 500 mètres bien en pente pour arriver dans les champs. La vue qui s’offre à elle est alors merveilleuse : les palmistes au premier plan, la canne à sucre en contre-bas et au large la mer et sa palette de bleus.

C’est en regardant ses parents dans l’exploitation et surtout son mari qu’elle a appris son travail. La grand-mère et la mère de Catherine étaient agricultrices dans la canne à sucre et le Vacoa mais leur travail était beaucoup plus manuel que le sien aujourd’hui.

Catherine a longtemps trouvé le travail de la terre beaucoup trop difficile et ne voulait pas être agricultrice ni faire sa vie avec un agriculteur. « Mais quand le cœur fait boum-boum on ne choisit pas le métier ! » proclame-t-elle comme une fatalité heureuse. En tombant amoureuse d’un agriculteur, en le voyant rentrer très tard, elle a voulu être avec lui et l’aider. C’est comme ça qu’elle a découvert le travail agricole et qu’elle est même devenue agricultrice. Ils travaillent d’ailleurs beaucoup ensemble, sur les marchés et bien souvent sur les exploitations aussi.

LES PALMISTES

Catherine cultive encore principalement de la canne à sucre mais depuis 2000 des palmistes rouges (espèce endémique à la Réunion) et depuis 2003 des palmistes pejibaye (une espèce brésilienne). Le palmiste est un palmier à grandes feuilles épineuses, dont le cœur du bourgeon terminal (le chou-palmiste) se consomme comme légume.

Elle a un salarié qui travaille pour elle, pour les gros travaux de désherbage et d’engrais. En mars commence la période des palmistes, quand la canne ne l’accapare plus trop.

Les palmistes se cultivent d’abord en semi, il faut les replanter au bout de deux ans après avoir bien débroussaillé le terrain. C’est un arbre assez difficile à pousser et on ne peut mettre de l’engrais qu’au bout d’un an mais surtout jamais de désherbant.

Les palmistes rouges mettent 7 ans avant d’être coupés (2 ans en semi et 5 ans de pousse). Ils sont destinés aux restaurants de la région et à des particuliers via des marchés où Catherine et son mari se rendent régulièrement.

UNE JOURNEE DE TRAVAIL

Catherine se lève toujours après son mari qui commence très tôt sa journée, surtout en période de campagne sucrière. Elle ne se lève pourtant jamais après 5h45 car c’est elle qui amène ses filles à l’école. Etant donné qu’elle habite trop loin de la route nationale il n’y a pas de bus scolaire. Elle se rend ensuite dans l’exploitation jusqu’à midi, fait une pause lorsqu’il fait trop chaud, retourne chercher ses filles à la sortie de l’école à 15h et repart travailler quand la chaleur est un peu moins étouffante, et là, il n’y a pas d’heure dit Catherine en souriant.

Ses outils sont simples et peu nombreux : la débroussailleuse, le sabre, des gants pour se protéger des épines et dans son atelier de transformation le couteau et la râpe afin de revendre les palmistes prêts à la consommation.

Etre une femme agricultrice est-ce plus difficile ? Oui affirme Catherine car un homme ne va penser qu’à son exploitation alors qu’une femme va y penser certes, mais aussi à ses enfants et à sa famille. Pour une femme, une journée de travail ne se limite pas aux heures passées dans les champs.

DES PREFERENCES ET DES ALEAS

Ce que Catherine préfère dans son travail c’est la transformation des palmistes. Elle peut passer des heures dans son atelier à couper, hacher et râper les troncs qu’elle a récolté le matin même afin de les revendre. D’ailleurs elle aime aussi beaucoup les marchés car cela lui apporte un contact avec « un autre monde » comme elle dit et elle a plaisir à partager son travail et à expliquer à ses clients d’où viennent les produits qu’elle leur vend et comment elle les cultive. Elle n’aime pas le plein été et partir travailler sous « le gros soleil ». Son moment préféré, c’est la fin de la journée car c’est plus reposant, elle en profite pour écouter le chant des oiseaux.

Elle pense que son métier est difficile et qu’il faut vraiment l’aimer ! L’évolution pour elle c’est d’avoir pu se diversifier et de ne plus faire seulement que de la canne à sucre mais à présent aussi des palmistes.

Cependant, en 2014, le cyclone a mis tous les palmistes par terre, surtout les pejibaye, une espèce qui pousse vite mais qui est aussi plus fragile. Un sacré coup pour le moral, avoue Catherine pudiquement. Elle sait qu’il faut composer avec les éléments climatiques mais le réchauffement l’effraye car elle voit bien que chaque année rien n’est plus comme la précédente et que tout devient imprévisible.

EN-DEHORS DES CHAMPS

Catherine a une passion : la course à pied et elle est contente car tous ses enfants y ont pris goût. Depuis l’accident de son mari en avril elle n’a pas couru mais elle espère pouvoir rechausser ses baskets bien vite. Catherine aime aussi beaucoup aider les autres, elle est présidente de l’association AFDAR (Association féminine pour le développement agricole réunionnais) qui vise à mettre la femme agricultrice en valeur.

Elle aime la peinture et le bricolage mais là, elle reconnaît que c’est le temps qui lui manque.

ET LA CUISINE… ?

Avec les palmistes, elle cuisine des achards, du carry de poulet, du carry de crevettes ou du porc aux palmistes. C’est son mari qui lui a appris à cuisiner, et qui cuisine bien mieux qu’elle affirme-t-elle. Auparavant elle l’avoue, elle n’aimait que la course à pied. Aujourd’hui elle aime bien se mettre aux fourneaux et apprendre à ses filles comment couper un oignon ou une gousse d’ail. D’ailleurs, les deux dernières sont toujours dans la cuisine avec elle, accourant pour mettre la table ou préparer la vinaigrette.

CONFIDENCES

Catherine admet qu’elle aime son métier ou plus exactement qu’elle a appris à aimer son métier, par amour pour son mari. Elle est venue dans le monde agricole pour lui et il lui a appris à en faire un quotidien qu’elle apprécie aujourd’hui et dont elle est très fière. Tellement fière qu’aujourd’hui il n’y a même pas un autre métier qu’elle aurait aimé exercer. Elle admet qu’elle aimerait qu’un de ses quatre enfants ait envie de reprendre l’exploitation mais elle les laisse libre de choisir leur voie.

De la métropole elle connaît Brest, Toulouse, Angers, Paris, Marseille et l’Alsace. Catherine n’est pas une aventurière mais elle aimerait vraiment découvrir le Québec où son fils étudie depuis deux ans dans une école d’informatique.

Ce qu’elle espère c’est simplement voir réussir ses enfants. Catherine est heureuse car elle a toujours voulu être mère et heureuse surtout car elle aime tellement son mari qu’elle en parle la voix presque hésitante, emplie d’une émotion sincère.

Son regret c’est de ne pas avoir aimé le travail de la terre plus tôt et de ne pas avoir repris l’exploitation de son père qui lui aurait transmis son savoir.


Ce dimanche c’est l’anniversaire d’Olivier, le mari de Kati. Alors tout le monde s’active dans la cuisine, à l’intérieur comme  à l’extérieur… pour recevoir une dizaine de personnes pour l’occasion. Kati se démène depuis 8h du matin et le menu regroupe toutes les saveurs de la Réunion… et un peu celles de Madagascar aussi.

INGREDIENTS (POUR 4/5 PERSONNES)

BABA FIGUE AU BOUCANE

1 Baba figue

1 Kg de viande de porc boucané

5 tomates

6 petits oignons rouges

1 gousse d’ail

1 morceau de gingembre

Riz

ROUGAIL MANGUE

10 petites mangues vertes

3 petits oignons rouges

1 gousse d’ail

1 morceau de gingembre

Sel

Poivre

Huile

Couper le baba figue en morceaux, laisser tremper dans l’eau froide avec beaucoup de sel pendant 40 mn, égoutter et faire blanchir.

Faire bouillir le boucané coupé en petits morceaux. Egoutter et faire dorer dans une marmite avec un peu d’huile. Ajouter l’ail, le gingembre et les tomates. Faire rien rissoler et ajouter le Baba figue avec un verre d’eau et laisser revenir pendant 45 mn.

Ajouter les oignons en fin de cuisson.

A servir avec le riz.

Pour le rougail mangues : éplucher les mangues vertes, les couper, les dénoyauter et les écraser en purée avec une gousse d’ail, trois petits oignons rouges, un morceau de gingembre, du sel, du poivre, de l’huile et du piment.

A servir frais.


PRESENTATION

Kati a 39 ans, elle est mariée avec Olivier depuis 16 ans et ils ont deux filles de 16 et 14 ans. Elle habite depuis 7 ans sur la route des Colimaçons, à Saint Leu, dans l’ouest de la Réunion. Auparavant, elle et son mari étaient à Madagascar d’où elle est originaire. Ils vivaient dans le sud de l’île, à Tuléar où Kati a encore une partie de sa famille. Après des études littéraires, un an de droit et un diplôme en anglais, elle a finalement complètement changé d’horizon. Elle travaille maintenant dans l’agriculture où elle a développé sa bananeraie avec son mari il y a maintenant 5 ans. Kati est exploitante agricole principale et Olivier est conjoint collaborateur.

SON HISTOIRE

Kati a commencé à travailler dans un hôtel à Tuléar, à Madagascar lorsqu’elle avait 17 ans, pour payer ses études. Toute sa famille travaillait plutôt dans la pêche et elle ne vient pas du tout du monde agricole. Sa mère et sa grand-mère comme de nombreuses femmes à Madagascar, étaient femmes au foyer. Quant à elle, elle a occupé de nombreux postes : dans l’hôtellerie d’abord, de femme de ménage à concierge. Elle a également été animatrice agricole, dans la patate douce et le riz. Par la suite, Kati a collecté les fruits de mer et a même été guide touristique dans le sud de son pays. Comme Olivier qui est originaire de la Réunion avait des terrains, ils ont décidé ensemble de les exploiter.

SON PROJET DE BANANERAIE

Kati et son mari ont fait plusieurs expérimentations d’arbres fruitiers avant de débuter. Ils ont essayé les mangues ou les letchis mais après avoir réalisé que cela prenait au moins 5 ans avant d’avoir les premiers fruits, ils ont finalement opté pour la banane qui ne demandait qu’un an d’attente. Par ailleurs, Kati explique que la banane est facile à cultiver, c’est un arbre qui a juste besoin d’eau pour pousser, comme l’herbe. La récolte a lieu 12 mois après la plantation, jusqu’à 15 mois après si les plantations sont en altitude.

Le travail d’installation est long et rigoureux mais une fois la plantation mise en place, l’entretien est assez facile. Leur exploitation est en conversion biologique, ils utilisent donc très peu de produits, seulement de la farine de cendres et de plumes comme engrais. Cela permet d’améliorer un peu la qualité de la terre. Les rendements sont certes moins importants que ceux d’une exploitation conventionnelle mais Kati et Olivier ont fait ce choix et y tiennent fermement.

Leurs plantations sont juste en-dessous de leur maison, ils descendent à pied dans la bananeraie et ont presque oublié la beauté des lieux : une vue extraordinaire sur le lagon et la côte ouest de l’île.

UNE ORGANISATION COLLECTIVE

En plus de la banane ils ont aussi quelques mangues, quelques letchis et quelques agrumes. Kati travaille avec la coopérative Vivea qui se trouve à St-Pierre dans le sud de la Réunion. Cela leur permet de travailler au forfait pour l’instant. Ils ont une marge de 5% destinée à la consommation personnelle. Avec 2 hectares de terrain, cela représente beaucoup de bananes ; alors Kati en revend sur les marchés et en fait des produits dérivés telles que des bananes séchées, de la confiture ou encore des recettes avec les fruits du bananier.

Lorsque cela n’est pas la saison, Kati échange des produits avec ses collègues. Elle donne une caisse de bananes encore vertes contre une caisse de papayes ou de fraises par exemple. Elle les revend ensuite le samedi au marché forain de Saint-Leu. Kati aime beaucoup le système d’échange et c’est selon elle une habitude qu’elle a gardée de Madagascar.

UNE JOURNEE DE TRAVAIL

Kati décrit sa journée comme celle de toutes les femmes : elle commence par s’occuper de ses filles et les amener à l’école. Elle ne travaille dans la bananeraie que le matin car ensuite il fait trop chaud. Elle n’y retourne l’après-midi que pour ouvrir l’eau car chaque parcelle exige entre 10 et 15 mètres cube d’eau par jour. Elle doit aussi mettre des sachets en plastique sur les bananes pour que les oiseaux ne les abiment pas et vérifier les pièges à charançons, un ennemi des bananeraies. Elle est toujours accompagnée de Patapouf, le petit chien noir de la famille qui connaît les lieux par cœur. Kati estime avoir de la chance car c’est Olivier qui effectue les travaux les plus physiques. Même si elle est chaque jour dans les plantations, elle s’occupe davantage du produit fini et de la vente alors que son mari manie la débroussailleuse et la pioche.

Ce matin d’ailleurs, Kati suit Olivier pour planter des haricots à côté des pieds de bananier afin de favoriser leur croissance. Le duo se suit à l’ombre des feuilles de banane, sans trop parler mais avec une grande complicité.

Comme ils sont en phase de croisière et que l’exploitation en est à ses débuts, ils ne peuvent pas encore se verser de salaire. A terme, ils souhaitent avoir 5 hectares de bananes. Cela aurait du être le cas pour 2015 mais suite aux ravages des deux derniers cyclones, ça ne sera pas avant 2016. En 2014, ils ont perdu 100% de leur récolte et ont vu le travail de toute une année détruit en quelques heures. Kati est sereine face aux éléments climatiques, elle sait qu’il faut composer avec, quoiqu’il en soit.

LA PERSEVRANCE EST CEPENDANT RECOMPENSEE…

Pour devenir agricultrice, Kati explique qu’elle est repartie à l’école, pour un an et demi de formation à la CFPPA (Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole) de Saint-Leu. Elle a effectué des stages dans des exploitations conventionnelles et biologiques, puis a appris sur le tas, une fois son diplôme obtenu. Elle est persuadée qu’être une femme dans le milieu agricole n’est plus aussi difficile qu’avant. Les exploitations dans son pays d’origine sont plus petites, restent souvent à une échelle familiale mais Kati sait qu’à la Réunion elle a pu obtenir plus d’aides. Comme elle s’est installée à son compte elle a même bénéficié du DJA (dotation de jeune agriculteur) et des aides européennes pour l’aménagement foncier et l’installation du matériel d’irrigation. Elle aimerait cependant avoir plus de matériel tel qu’un tracteur et quelqu’un qui les aide pour la main d’œuvre.

Kati a participé au challenge des jeunes créateurs et a ainsi pu valoriser le travail qu’effectuent les femmes agricultrices. Cela lui a permis de se faire connaître dans sa région de l’île et elle pense que les femmes dans le monde agricole sont désormais plus légitimes et osent davantage prendre la parole.

D’AUTRES TALENTS

Le moment de la journée qu’elle préfère c’est le soir, lorsqu’elle est avec son mari et ses filles et que chacun raconte sa journée autour d’un bon dîner. En-dehors de l’agriculture, elle aime beaucoup cuisiner et transforme tout ce qui lui passe sous la main. Elle cuisine le fruit du bananier, le Baba figue comme on l’appelle à la Réunion. Elle le prépare avec du boucané (viande de porc fumée) ou des crevettes. Elle a aussi préservé bon nombre de recettes de Madagascar tels que des gâteaux cuits à la vapeur dans des feuilles de bananier. Mais Olivier cuisine très bien et lui a transmis de nombreuses recettes créoles. Ce sont ses parents qui lui ont appris à cuisiner. Elle et ses frères et sœurs avaient une tâche chacun à effectuer et Kati choisissait toujours la cuisine plutôt que le rangement ou le ménage. Elle a transmis le goût de la cuisine à ses filles qui, un dimanche par mois, doivent prendre la relève aux fourneaux. La plus jeune y a pris goût et chasse tout le monde de la cuisine pour essayer de nouvelles recettes. Il y en a cependant une que Kati leur a transmise et qui se passe de génération en génération à Madagascar ; ce sont des feuilles de manioc pillées.

CONFIDENCES

Ce qui plaît le plus à Kati dans son travail c’est sa liberté. Elle gère son exploitation comme elle le souhaite et n’a de comptes à rendre à personne. Elle avoue en revanche que ce qu’elle aime le moins c’est la pénibilité du travail, en pleine chaleur et à cause de la topologie de ses terrains qui sont très en pente. Mais selon elle, ce n’est pas un travail difficile car quand on aime ce que l’on fait, on ne se pose pas de questions. Pour exercer son métier, elle pense qu’il faut foncer et aimer la terre surtout. Et puis avoue-t-elle, lorsqu’on a des enfants, on a toujours envie de leur laisser le meilleur.

Kati ne cache pas qu’elle aimerait bien qu’une de ses filles reprennent l’exploitation familiale, même si elle les laisse choisir leur voie. Elle a rêvé plus jeune d’être hôtesse de l’air mais aujourd’hui elle aime ce qu’elle fait et ne s’imagine pas loin des siens. Quant à ouvrir une table d’hôtes, c’est une idée qui lui traverse parfois l’esprit. Kati aimerait bien faire goûter aux gens ce qu’elle concocte. Elle est très fière de son métier même si elle n’a jamais pensé qu’elle travaillerait dans le monde agricole un jour. Cela lui fait plaisir qu’Olivier et elle soient finalement acteurs de la vie de tous les jours en produisant quelque chose de concret dont les autres puissent profiter.

Kati est allée une seule fois en métropole, à Clermont-Ferrand, pour rendre visite à sa sœur. Elle aimerait beaucoup découvrir l’Australie dont l’étendue du territoire la fascine. Son plus grand souhait : que ses filles soient heureuses et réussissent leur vie. Le plus important comme elle dit c’est sa petite famille que Kati cherche à préserver à tout prix. Cela commence par une exploitation biologique qui correspond à ses convictions.

Madagascar lui manque parfois mais Kati essaye de vivre un peu comme là-bas, avec l’évolution de la France comme avantage.

Son regret : que sa mère soit partie un peu trop tôt et qu’elle n’ait pas pu lui dire assez souvent qu’elle l’aimait.


La Réunion

 

Superficie : 2 512 km2

NB d’habitants : 841 000 hab. (2013)

PIB par habitant : 17 900 € (2009)La réunion carte

Nature de l’État : république constitutionnelle unitaire semi-présidentielle

Capitale : Paris

Langues : français, créole

Espérance de vie : 78 ans

Taux d’alphabétisation : 95%

Monnaie : euro

 

L’agriculture réunionnaise

L’agriculture à La Réunion est une activité de taille puisque le territoire agricole couvre 20 % de la surface de l’île, occupe 10 % des actifs et dégage 5 % du produit brut régional. Autrefois axée sur la culture du café puis du giroflier, elle est aujourd’hui centrée sur celle de la canne à sucre. L’île de La Réunion compte environ 7 000 exploitations agricoles, dont 97 % possèdent moins de 20 ha, alors que la moyenne française est de 78 ha. Le statut le plus fréquemment rencontré est celui d’exploitant individuel (97 %).

Grâce au climat tropical de l’île, tout peut y pousser aussi bien en légumes qu’en fruits. La vanille bourbon est cultivée dans l’est du pays. L’ananas Victoria ou encore la manque José se trouvent sur tous les marchés, pour ne citer qu’une variété de ces fruits exotiques. On trouve aussi des bananes, des fruits de la passion, des letchis, des papayes et des agrumes. Côté légumes, on peut en citer deux propres à la Réunion : le choucho, un légume vert qui pousse à profusion dans le cirque de Salazie et le palmiste, dont on consomme est en fait le tronc d’un arbre cultivé sur la côte sud-est.

Que manger à La Réunion ?

La cuisine réunionnaise est le reflet du métissage de l’île : elle a en effet profité des influences chinoises, est-africaines, malgaches ou encore indiennes. Elle ménage tout d’abord un rôle important à l’apéritif comme partie intégrante du repas, souvent avec un punch ou un rhum arrangé. Les amuse-gueule traditionnels servis pour l’occasion sont les samossas ou les bonbons piment, bouchons et piments farcis.

Toujours accompagné de riz, les plat le plus commun sont les carris –variante du curry indien- le rougail et les civets. Le Carri se compose d’une base d’oignon, d’ail et d’épices comme le curcuma sur laquelle on fait frire poisson ou viande et à laquelle on ajoute ensuite de la tomate. Les plats peuvent aussi être parfumé avec du gingembre ou le zeste d’un combava –petit citron vert-. Pour varier, on pourra préparer un rougail saucisses, à base de saucisses et de tomates cuits avec des épices ainsi que du piment vert. Cette préparation est presque toujours servie avec des grains -des lentilles de Cilaos par exemple- et de la verdure cuite ou crue, appelée brèdes lorsqu’elles sont cuites.

Pour accompagner, on sert un achards, un rougail de tomates, de mangue verte ou d’aubergines, le tout fortement pimenté.

Le chop suey et autres plats asiatiques comme le porc à l’ananas sont également très courants.

Le mode traditionnel de conservation de la viande est le boucanage, et la cuisson se fait dans des marmites en fonte. Traditionnellement, le plat principal était d’ailleurs préparé dans la cour au feu de bois ou dans une petite dépendance hors de la maison pour être ensuite consommé dans une feuille de bananier et souvent mangé avec la main.

En ce qui concerne les desserts, il s’agit généralement de fruits de saison : mangues, ananas, letchis et longanis en été, goyaviers en hiver. Pour le reste, les friandises que l’on mange à tout heure en petites quantités comprennent le bonbon la rouroute, le bonbon cravate ou le bonbon miel, ces deux derniers étant des fritures. Il y a aussi les différents gâteaux tels que le gâteau patate, le gâteau ti’son (maïs) ou le gâteau chouchoux.