PRESENTATION
Mercedes est colombienne, a 52 ans et est mariée à Eduardo depuis 29 ans. Elle a trois fils dont un marié. Elle habite avec son mari et deux de ses fils.
Mercedes est née à Tibasosa, y habite et y mourra, précise-t-elle en souriant. C’est un petit ville de 13 000 habitants située dans la région de Boyacá. Ses parents et son mari sont aussi du village et elle sait qu’elle y vivra jusqu’à la fin de sa vie.
SON HISTOIRE
Mercedes a été à l’école mais a dû arrêter à 10 ans car elle avait beaucoup de frères et sœurs et ses parents ne pouvaient pas subvenir aux frais de scolarité.
Très jeune, elle était déjà dans les champs avec ses parents. A 15 ans, elle a travaillé à Bogota, quelque temps, dans une boulangerie. Mais la vie en ville ne lui plaisait guère alors elle est revenue à Tibasosa et a commencé le métier d’agricultrice.
Mercedes a appris son travail grâce à une association, il y a plus de vingt ans. Le programme, d’abord dédié à l’alimentation des enfants, s’est ensuite développé pour former les villageois intéressés par l’agriculture.
Sa mère et ses grands-mères étaient agricultrices et cultivaient essentiellement des pommes de terre et du maïs. Leur travail était difficile car elles perdaient une grande quantité de leurs récoltes, ne disposaient pas de compost ou d’engrais.
UN DEBUT ANECDOTIQUE
Mercedes se souvient d’une anecdote marquante : au tout début, elle cultivait des brocolis et des choux fleurs avec une amie agricultrice. Une fois utilisés les légumes destinés à la consommation familiale, il restait une certaine quantité qu’on leur a proposée de vendre au village. La formatrice, qui leur avait procurées les graines, les a incitées à produire plus. Comme Mercedes et son amie avaient suffisamment de légumes pour nourrir leurs familles, elles ont semé et planté davantage pour vendre. Leur commerce était né ainsi que le petit magasin dans le village pour entreposer la production mise à la vente. Mercedes trouve cela amusant car « leur affaire » a démarré à très petite échelle.
SON TRAVAIL DANS LES CHAMPS
Mercedes se réveille à 5h, prépare le petit déjeuner, le tinto (café colombien très léger et sucré), puis va traire les vaches. Elle prépare également le déjeuner pour son mari et ses fils qui partent pour leur journée. Son mari travaille comme ouvrier agricole dans différentes fermes.
Elle s’occupe ensuite des lapins, des cochons d’inde et de ses légumes. Elle se couche vers 20h car les journées de travail sont longues et fatigantes.
Il y a quelques années, les plantations étaient essentiellement du maïs, des haricots et des pommes de terre. A présent, Mercedes cultive de nombreux légumes : des épinards, des choux fleurs, des brocolis, des blettes, des betteraves, des radis, des laitues, des oignons-poireaux et des fleurs qu’elle vend également au marché, deux fois par semaine. Elle dispose d’un point de vente à Tibasosa les jeudis et les dimanches. Les particuliers mais aussi les restaurants viennent lui acheter ses légumes. Elle parvient à gagner entre 100 000 et 150 000 pesos (entre 28 et 43€) lorsqu’elle vend ses légumes dans le village.
Eduardo, son mari, est propriétaire des champs. Elle assure en souriant que ce sont plus ses terres car c’est elle qui cultive le potager et les fleurs.
Elle travaille seule et avec pour seuls outils: des gants, une pelle et une machette. Elle organise son emploi du temps comme elle le souhaite. Cependant il est dicté par les jours de vente. La veille, les mercredis et les samedis, elle récolte, coupe, lave et prépare les légumes. Elle est aussi investie dans plusieurs formations dispensées par la municipalité pour apprendre de nouvelles techniques agricoles.
SON RESSENTI
Mercedes aime toutes les tâches : planter les fleurs, nourrir les animaux ou encore récolter les légumes. Ce qu’elle aime le moins, c’est laver les grands réservoirs d’eau qui pèsent très lourds.
Son moment préféré : la fin de l’après-midi quand son mari et ses fils rentrent à la maison et qu’ils peuvent partager le dîner.
Etre une femme ne change pas vraiment le travail des champs car même si elle a un peu moins de force physique, elle sait très bien prendre soin des terres et en voit les résultats chaque jour.
Selon Mercedes, les qualités nécessaires sont le courage, la foi, la santé et l’énergie pour effectuer toutes les tâches agricoles. Mercedes aimerait disposer d’une petite serre pour expérimenter de nouveaux plants.
Elle aime travailler la laine, tricoter ou faire du crochet lorsqu’elle a du temps libre.
L’ENTRAIDE DANS LE VILLAGE
Mercedes perçoit une aide municipale, une fois par an, en tant qu’agricultrice mais cette aide est négligeable et ne lui permet pas d’investir.
Elle fait partie d’Agrosolidaria, une ONG nationale, qui aide à se procurer les graines et dispense les formations. Mercedes est très assidue et se rend à toutes les réunions.
Ses conditions de travail pourraient être améliorées si elle et les agricultrices du village pouvaient être regroupées dans une entité fédératrice qui leur permettrait d’unir leurs compétences et de s’entraider.
En ce qui concerne l’eau, par exemple, celle-ci provient du haut des montagnes. Mercedes a de la chance car elle a une source dans sa ferme. En été, il arrive qu’il en manque, il faut donc l’économiser. Mercedes est la représentante des réserves d’eau car cette dernière est redistribuée depuis sa ferme vers les chemins et exploitations aux alentours. La solidarité et le partage sont essentiels dans ces zones rurales de Colombie.
Mercedes participe à plusieurs réunions d’agricultrices où elle aime partager son savoir. La terre est vitale pour elle car elle génère les graines, les semences et son activité principale.
LA CUISINE DE MERCEDES
Mercedes aime cuisiner, par exemple: du chou-fleur pané ou une omelette avec des épinards frais. Elle cuisine au bois et au charbon. Sa mère cuisinait également au charbon et elle considère cet enseignement comme un héritage culinaire.
Elle a appris à ses fils à cuisiner mais elle précise que c’est toujours elle qui prépare les repas à la maison.
Une recette qu’elle perpétue de génération en génération : les fameuses arepas colombiennes : des galettes de maïs cuites au four.
SES ASPIRATIONS
Quant au futur, elle aimerait que la ferme se développe encore un peu plus et qu’elle puisse continuer à tout mener à bien. Mercedes est très fière de son travail. De temps en temps, elle pense à la vie en ville mais, selon elle, il faut beaucoup d’argent pour y habiter. A la campagne, il est plus facile de s’en sortir avec de faibles revenus. Elle aurait bien aimé avoir sa propre boulangerie.
Ses fils travaillent, sauf un qui étudie. Aucun d’entre eux ne veut s’éloigner des champs. Dario, celui qui termine ses études, aimerait être administrateur de projets et ainsi développer la ferme.
Mercedes n’a jamais vu la mer et n’a visité que la Colombie. Elle aimerait bien venir en France pour voir à quoi ressemble un pays aussi lointain.
Elle espère pouvoir continuer à travailler ainsi encore longtemps, en étant en bonne santé et en pouvant profiter de ses fils. Sa plus grande peur: une maladie qui l’ empêcherait de travailler.
Mercedes a bien un regret : ne pas avoir passé assez de temps auprès de sa mère, avant son décès. Prendre soin de ceux qui lui sont chers est très important pour elle.
Mercedes est heureuse de la vie qu’elle mène, elle connaît tout le monde dans le village, elle peut vivre de son travail et elle en est très fière.
Elle aimerait transmettre un message : inciter les femmes à venir à la campagne et développer une activité agricole car c’est une moyen honorable de gagner sa vie.