PRESENTATION
Nivo a 33 ans, elle habite seule avec son fils de 10 ans, à part en ce moment où il est avec son père, sur la côte ouest, à Tuléar, pour la fin des grandes vacances. Elle habite à Vontovorona depuis 2006 et a habité dans deux autres villages auparavant. En revanche elle n’a jamais habité dans une grande ville et n’a pas encore vu la mer. Le rez-de-chaussée de la petite maison qu’elle habite ne comprend qu’une pièce et qu’un matelas qu’elle partage avec son fils. Une amie occupe l’étage du dessus, elles prennent parfois leurs repas ensemble.
SON HISTOIRE
Nivo n’est allée à l’école que jusqu’en CM1, âge à laquelle sa mère est décédée. Elle a ensuite habité avec sa grand-mère mais comme elle ne pouvait plus subvenir aux frais de l’école elle a du arrêter. Son père aussi était un homme de la terre mais lorsqu’elle a commencé à travailler à l’âge de 17 ans c’était comme femme de ménage. Elle n’est devenue agricultrice qu’à 20 ans.
SON METIER
Elle cultive des haricots verts, des salades, des petits pois, des carottes, du manioc, des pommes de terre, des brèdes, du maïs et quelques ananas qui sont tous destinés à l’école de Yamuna, une ONG catalane implantée dans le village depuis 2004. C’est l’association qui lui a appris le travail agricole mais aussi l’artisanat local et la couture. Les terres qu’elle cultive aujourd’hui sont celles de Yamuna. Elle aimerait bien avoir ses propres terres pour pouvoir élever son enfant de manière autonome. Cependant, elle sait que la sécurité financière de l’association qui lui verse pour l’instant 120 000 Ariari par mois (environ 35€) est un privilège. Comme toutes ses collègues, elle appréhende les semaines à venir car Yamuna va arrêter de lui verser ce salaire et elle devra vivre de la vente de ses légumes. Si elle n’y arrive pas ou qu’elle est trop paresseuse, elle n’arriver pas à manger conclut-elle en riant.
UNE JOURNEE DE TRAVAIL
Lorsqu’elle se lève le matin, à 5h, elle se lave tout de suite, allume le feu au charbon de bois, fait le ménage, donne à manger aux poules puis elle part travailler à 7h. Après avoir amené son fils à l’école, elle traverse le campus de l’université de Polytechnique. Elle arrive à 7h30 dans les champs. Elle va ouvrir la petite cabane juste en-haut où elle se change et prend ses outils. Elle attache ensuite ses cheveux noirs et se couvre la tête : d’un bonnet tôt le matin puis d’un chapeau de paille âbimé lorsqu’il fait chaud. Elle s’enduit aussi le visage de terre séchée, pour ne pas que le soleil abime trop sa peau. Elle retrouve son amie Mamiosa et ses deux autres collègues agricultrices. Leurs champs sont juste en-dessous de l’atelier d’artisanat de l’association espagnole. Elles se partagent huit parcelles qu’elles cultivent individuellement. On les retrouve pourtant à s’aider près du puits pour puiser l’eau ou à s’échanger des outils en discutant joyeusement. A 16h, elle range arrosoirs, bêche, pelle, râteau, sceau, et paniers pour rentrer directement chez elle. Elle nourrit à nouveau les poules dès qu’elle rentre. Elle est très fière de montrer la douzaine d’œufs que l’une d’elle couve près du lit. Elle prépare ensuite le dîner, se lave à nouveau brièvement, dîne tôt et s’endort à 20h, son fils blotti contre elle.
DE NOUVELLES CONNAISSANCES
Ces jours-ci, Evelyne, une spécialiste malgache en agro-écologie vient justement former les agricultrices de Yamuna à des techniques qu’elles ignorent. Nivo apprend ainsi à replanter les salades qui étaient encore en semi jusqu’à présent. Evelyne lui montre la technique du pralinage qui consiste à tremper les racines des salades dans de l’eau et des excréments de zébu mélangés afin de favoriser leur croissance. Nivo regarde attentivement puis reproduit les gestes, prêtant bien attention à laisser assez d’espace entre chaque plant et à ne pas trop les recouvrir avec le paillage.
DANS LES CHAMPS
Nivo adore être dans les champs et mettre en pratique ce qu’elle a appris, sauf quand il fait trop chaud, vers midi. Le moment de la journée qu’elle préfère c’est tôt le matin ou en début de soirée, quand la chaleur n’est plus trop difficile à supporter. Elle remarque une évolution positive dans son travail car au tout début la terre était tellement aride qu’elle ne parvenait pas à labourer comme elle aurait dû. Maintenant qu’elle est mieux irriguée, elle peut travailler la terre plus en profondeur. Pour améliorer son travail, elle aimerait quand même davantage d’engrais et de semences et plus d’eau car il en manque toujours, malgré tout. A l’inverse, elle raconte en riant que lorsqu’il pleut des cordes, elle doit quand même se rendre aux champs et cultiver la terre alors qu’elle ne peut pas se mettre à l’abri.
SES ASPIRATIONS
Quant à la cuisine, Nivo a appris avec l’association espagnole et elle aime bien enseigner ses recettes à son fils à présent. D’ailleurs, elle pense que l’agriculture est bien valorisée dans son pays car chacun a conscience que si on ne travaille pas la terre on meurt de faim, dit-elle simplement avec un grand sourire. Elle est fière de son métier car c’est son savoir et sa survie. Si son fils travaille bien à l’école, elle aimerait en revanche qu’il soit ingénieur, docteur ou prêtre. Elle aimerait visiter les provinces de son pays telles que Diego Suarez, Tamatave ou encore Majunga. Un proverbe qu’elle aime bien pour enseigner la patience : « Si on cherche les sauterelles lorsqu’il fait trop chaud et qu’on n’en attrape pas aujourd’hui, on en attrapera certainement demain. ». Elle est heureuse de la vie qu’elle mène car elle n’est pas mariée et n’a ni discussions ni confrontations à soutenir, elle peut faire tout ce qu’elle veut. Cependant, si Nivo n’a ni peurs ni regrets, son souhait le plus cher, ça serait que le père de son fils revienne auprès d’elle.